Julien Gennetier, nouveau président d’Alfa Laval France & NWA (North West Africa), nous présente ici les technologies de cette société historique d’origine suédoise et met en avant le dynamisme, mais aussi les freins au déploiement des réseaux de chaleur.
– Bonjour Julien Gennetier et félicitations pour votre nouveau poste. Pouvez-vous nous présenter la société Alfa Laval ?
Bonjour.Le groupe Alfa Laval est une société d’origine suédoise qui a plus de 125 ans d’existence. Elle pèse environ 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie plus de 18 000 collaborateurs dans le monde. En France, nous sommes présents à travers trois centres d’expertise, cinq centres de production et une société commerciale et de services. Nous employons environ 1 000 collaborateurs. Alfa Laval s’est spécialisé dans trois technologies : la séparation, l’échange thermique et le transfert des fluides. Elle opère donc dans tous les domaines d’activité où l’on retrouve ces technologies.
– Quel est votre parcours personnel ?
J’ai commencé comme ingénieur commercial puis responsable commercial dans la filiale Alfa Laval France. Je suis ensuite parti cinq ans en Suède. J’ai d’abord occupé une fonction globale de marketing dans un des secteurs d’activité du groupe puis en tant que manager fusions-acquisitions au sein du département Corporate Development. Je suis ensuite revenu en France en 2009 pour prendre la direction d’une filiale qui regroupe un centre d’expertise et de production basé dans les Yvelines. Enfin, depuis le 1er juillet 2015, j’ai pris la présidence d’Alfa Laval France & NWA.
– Votre nomination est donc récente. Quels sont vos objectifs ?
Principalement de poursuivre et de déployer la stratégie de croissance du groupe en France et en Afrique du Nord et de l’Ouest puisque nous avons la responsabilité commerciale pour 21 pays d’Afrique.
Nous avons déterminé trois relais de croissance :
- un positionnement sur les marchés en croissance, dont font partie les réseaux de chaleur, mais où l’on retrouve aussi l’agro-alimentaire, l’environnement et l’énergie.
- une augmentation de nos parts de marché sur nos marchés existants ;
- un développement dans les 21 pays de la zone Afrique qui regroupent plus de 300 millions d’habitants et qui compteront des investissements importants dans les prochaines années sur la chaîne de production d’énergie et la chaîne de production alimentaire.
À cela, on peut aussi ajouter une croissance de nos activités de services.
– Quelles sont vos activités sur les réseaux de chaleur ?
Nous intervenons à trois niveaux, en quelque sorte “du producteur au consommateur”. En amont (la partie zéro du réseau), là où se produit la chaleur et quelles que soient les sources. Nos technologies peuvent par exemple être utilisées pour produire de la chaleur à partir d’eaux de stations d’épuration ou d’usines d’incinération, par exemple. Nous intervenons ensuite au niveau du transfert d’énergie sur le réseau primaire, là où l’on retrouve nos échangeurs à plaques de grande taille. Enfin, sur la partie secondaire du réseau, nous sommes présents sur la distribution au pied des immeubles, avec nos systèmes de maxi sous-stations, mais également au sein des logements par des modules thermiques d’appartements qui délivrent aux utilisateurs leurs besoins en termes de chauffage et d’eau chaude sanitaire.
– Quelles sont les particularités de vos technologies ?
L’élément central est notre capacité de maîtrise de l’échange thermique sur l’ensemble du système. C’est en effet primordial pour garantir le bon fonctionnement des réseaux, en particulier en basse température. Nous touchons là à l’évolution majeure des réseaux de chaleur aujourd’hui : faire baisser les régimes de température de fonctionnement. Ceci a un impact sur le dimensionnement des réseaux, la taille des canalisations, les pompes, et donc sur l’investissement global, mais également sur leur efficacité énergétique, quels que soient les équipements.
La performance de notre technologie d’échange thermique et le design de nos systèmes permettent ces retours en basse température. Nos dernières innovations portent sur l’amélioration de l’efficacité énergétique de nos échangeurs et sur la régulation des systèmes (IQHeat).
Il est à noter que ces mêmes principes s’appliquent également aux réseaux de froid pour le tertiaire et les équipements publics.
– En tant qu’entreprise historique comment voyez-vous l’évolution des réseaux de chaleur en Europe ?
Dans les pays nordiques, notre technologie est éprouvée depuis une quarantaine d’années maintenant. C’est notre berceau. En France, le gouvernement a décidé depuis plusieurs années de supporter l’extension des réseaux via le Fonds chaleur que gère l’ADEME. Cela va d’ailleurs de paire avec la construction d’écoquartiers mais également la requalification des réseaux existants vers des réseaux basse température. On retrouve ce basculement dans d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou la Belgique. Enfin, dans les pays de l’Est, la rénovation des réseaux s’accompagne généralement d’un saut technologique vers des modules combinant chauffage et eau chaude sanitaire, pour une régulation performante de l’ensemble du système.
– Quels sont selon vous les freins qui demeurent en France ?
Les réseaux se déploient, mais des éléments de complexité demeurent. Le premier est d’ordre contractuel et concerne la façon dont on gère les délégations de service public. Il n’est pas rare de trouver deux ou trois acteurs sur un même réseau. En dissociant ces différentes parties sur plusieurs acteurs, on entame la performance et l’homogénéité de l’ensemble. Le second est plus culturel, il consiste à séparer eau chaude sanitaire et chauffage. Ce faisant, on ne bénéficie pas au mieux de l’efficacité énergétique que permet le retour basse température. Si l’on devait prendre une image, on peut dire que nous sommes ici en train de passer du téléphone filaire à cadran au pavé numérique alors que les smartphones sont déjà disponibles. Ceci étant, le marché change et les grands exploitants de chauffage proposent des solutions de plus en plus optimisées proches de celles qui existent dans les pays nordiques – référence éprouvée en la matière !
Merci à Julien Gennetier pour cette interview. Retrouvez toutes nos interviews sur la page dédiée.