Directeur de la production et du chauffage urbain de l’entreprise UEM à Metz, Laurent Umber nous explique en quoi son réseau de chaleur est particulièrement vertueux.
Pouvez-vous nous présenter UEM ?
L’UEM est une société d’économie mixte (SEM) détenue à 85 % par la Ville de Metz et à 15% par la Caisse des Dépôts et Consignations. Nous sommes fournisseur d’énergie et gestionnaire de réseau de chaleur. Dans ce cadre nous exploitons et entretenons un réseau de plus de 100 km de longueur, sur un rayon de 8 km, alimentant l’équivalent de 40 000 logements. Il s’agit d’habitations, mais aussi d’équipements publics : les hôpitaux de la ville, les piscines, les bâtiments communaux, la salle de spectacles de l’Arsenal et un client emblématique : le Centre Pompidou-Metz.
Quelles sont les sources d’énergie de votre réseau de chaleur ?
Les ventes de chaleur de notre réseau sont en moyenne de 430 GWh, dont 70 % sont issus d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R). La moitié (35 %) provient de la biomasse, que nous avons construite et inaugurée en 2013. L’autre partie provient, sous forme de chaleur, d’une usine d’incinération. Enfin, les 30 % restant sont essentiellement représentés par le gaz, mais nous pouvons aussi fonctionner au charbon par grand froid ou en cas de délestage.
Au niveau national, notre réseau de chauffage urbain est le troisième plus important, et certainement un des premiers en terme de pourcentage d’énergies renouvelables sur une telle puissance.
Quelles sont les caractéristiques de votre énergie biomasse ?
Nous sommes équipés d’une chaudière de 50 MW qui produit 45 GWh d’électricité et 200 GWh de chaleur par an. Son rendement est de 83 % et son alimentation se fait à 70 % à partir de plaquettes forestières. Nous avons, pour cela un plan d’approvisionnement contrôlé par la préfecture, afin d’être certains que notre prélèvement est compatible avec les ressources de la forêt. Ce prélèvement est réalisé sur un rayon de 100 km autour de Metz. Il s’agit d’arbres qui ne peuvent pas être récupérés pour du bois d’œuvre, composs principalement des houpiers et des bois d’élagage ou de coupes d’éclaircissement, qui ne peuvent être utilisés qu’en bois-énergie.
Le complément est réalisé par le bois recyclé (caisses, palettes, broyées sous forme de plaquettes) et les écorces, en provenance des papetiers. En tout, cela représente 100 000 tonnes de bois consommées par an dans notre chaudière engendrant une économie de CO2 de 57 000 tonnes par an.
Quelle a été l’évolution du réseau de chaleur de Metz ?
En fait, deux réseaux de chaleur coexistaient à Metz. Ils ont été connectés il y a quelques années pour mieux valoriser l’unité de production. Le réseau s’est donc développé de manière importante, avec une croissance de 25 à 30% sur les dix dernières années, une croissance en termes de taille mais aussi de puissance. La volonté de la ville a été de le développer fortement pour assurer l’utilisation d’énergies renouvelables. Il faut en effet un réseau assez bien dimensionné pour valoriser les ENR, qui ne peuvent être utilisées qu’en base et non en pointe.
Avez-vous des développements en prévision ?
Nous prospectons. La priorité est pour nous la densification du réseau, à savoir “tirer des petites branches sur les branches déjà en place” et connecter d’autres immeubles autour du réseau. Nous prospectons auprès des syndics, puisque nous sommes capables de proposer maintenant du chauffage urbain individuel.
C’est-à-dire ?
Le chauffage urbain est en général un chauffage collectif pour les immeubles. Mais dans les pays nordiques et en Allemagne ont été développées des solutions d’individualisation du chauffage urbain, que nous avons importées. Il s’agit de modules thermiques d’appartement dans lesquels un petit échangeur fabrique de l’eau chaude sanitaire. Un compteur y est dédié, il est télérelevé et le consommateur est un client direct d’UEM.
C’est une solution que nous réclament de plus en plus de promoteurs dans du logement neuf, car certains de leurs clients souhaitent maîtriser eux-mêmes leur consommation.
Ce type de chauffage individuel complète l’offre et n’est pas concurrent du chauffage collectif. Selon le type d’habitat, il est intéressant de regarder ce qui est le plus adapté.
Comment expliquez-vous le succès du réseau de chaleur de Metz ?
Il y a d’abord eu une volonté politique, née en 1956, lorsque le conseil municipal a décidé de le mettre en place. Ensuite, il y a eu la création du Fonds chaleur qui a permis le développement général des réseaux. Enfin, notre structure est légère – elle ne compte qu’une soixantaine de personnes – mais elle possède une vraie dynamique, une forte capacité de prospection et une proximité telle que les gens nous font confiance. Et puis, nous avons su nous adapter et innover. Pour en revenir aux modules thermiques d’appartement, si nous n’avions pas été chercher cette offre au Danemark ou en Suède, nous n’aurions pas pu satisfaire nos clients.
Quel regard portez-vous sur le développement des réseaux de chaleur dans les années à venir ?
La première problématique concerne l’écroulement du prix des énergies fossiles et notamment du gaz qui est notre principal concurrent. Cela nous met en difficulté en ce moment, mais c’est conjoncturel. À court terme, nous devons donc être plus innovants et proposer des solutions. À moyen terme, la taxe carbone est une réponse car les énergies fossiles doivent être plus taxées, eu égard à leurs externalités.
Nos prix sont stables, ils ne dépendent pas de situations internationales. Cela est désavantageux pour nous en ce moment mais cela a aussi un avantage à plus long terme. À Metz, 70 % de notre énergie est sécurisée localement. Si le gaz augmente demain, nous n’augmenteront pas nos prix. Cette énergie locale, c’est aussi de l’emploi local : entre 40 et 50 personnes qui travaillent sur ce secteur en forêt, sans compter les sous-traitants. Et c’est une économie circulaire puisque les cendres issues de notre unité de biomasse remplacent ensuite les engrais chimiques, pour être utilisées comme épandage. Nous connaissons notre source énergétique – elle est tracée – ; nous faisons des rapports à la préfecture ; nous y indiquons chaque prélèvement ; nous savons d’où vient chaque camion : vous n’avez pas cette maîtrise lorsque vous importez des énergies fossiles. Tout cela concourt à donner à la ville de Metz une forme d’indépendance énergétique.