Romain Lambert, PassivSystems : réseaux de chaleur et digitalisation

Durant les DHC Days, qui se sont tenus à la fin du mois de février 2017, nous avons la chance de rencontrer Romain Lambert de PassivSystems, une entreprise britannique spécialisée dans la digitalisation des réseaux, et sponsor de l’édition 2017 des DHC Days.

Romain a accepté de répondre aux questions de DHC News sur la digitalisation des réseaux : voici l’interview !

Merci à Romain et à toute l’équipe de PassivSystems pour nous avoir donné cette opportunité, et bonne lecture.

Romain Lambert, PassivSystems

Bonjour Romain. Pouvez-vous  vous présenter, et nous présenter PassivSystems : vos clients, votre méthode, etc. ?

PassivSytems est une petite entreprise cleantech basée à Newbury, une petite ville du sud de l’Angleterre, à environ une heure à l’ouest de Londres.

Nous avons développé une plateforme intelligente de l’énergie qui peut agir comme une « canopée digitale » pour les réseaux de chaleur en fournissant un large panel de services :

  • Automatic Meter Reading (lecture automatique de compteurs de chaleur intelligents)
  • Contrôles intelligents de l’habitation
  • Systèmes de paiement dans le cloud
  • Optimisation de la température de retour
  • Gestion de la demande (profil de charge)

Pour ma part, je suis un développeur d’algorithmes : je traduis les besoins de nos clients en algorithmes qui seront mis en service sur notre plateforme.

Selon vous, quel est le versant le plus intéressant des réseaux ?

Je dirais que c’est la diversité des systèmes auxquels on peut être confronté en Europe – pas seulement la technologie, mais aussi la façon dont les réseaux sont gérés.

Chaque pays a sa propre forme endémique de chauffage/refroidissement urbain, qui est influencée par les réglementations locales et l’écosystème entrepreneurial.

J’ai découvert le chauffage urbain en Suède (je suis d’ailleurs très reconnaissant d’avoir pu rencontrer des gens extraordinaires dans ce pays, et d’avoir eu l’opportunité de collaborer avec eux), et il y a une différence énorme avec les systèmes de chauffage urbain qui sont présents au Royaume-Uni.

Vous avez présenté une conférence sur la digitalisation des réseaux : pouvez-vous nous en dire plus ?

Bien sûr. En fait, la digitalisation est en train de disrupter beaucoup d’industries.

Deux exemples frappants sont AirBnB et Uber, qui ont créé des changements très importants dans leurs industries respectives alors qu’ils ne possèdent pas de biens physiques.

Ils agissent seulement comme des « orchestrateurs de réseaux » (network orchestrators), pour citer une expression de Barry Libert, de la Harvard Business Review.

Le chauffage urbain pourrait connaître des transformations similaires dans le futur proche, notamment en devenant plus ouvert, probablement grâce à un modèle basé sur des producteurs consommateurs (prosumers). En tout cas en proposant une palette de services plus large.

Une autre tendance majeure de l’industrie est qu’elle s’éloigne de plus en plus d’un modèle unique, qui revient à vendre des kWh, pour créer de nouvelles propositions de valeur qui séduisent une base de clients plus fragmentée et plus diverse.

Quoi qu’il en soit, l’innovation dans les business models est clé, et la digitalisation a un rôle majeur à jouer pour soutenir cette évolution.

Justement, on entend parler partout du big data, et tous les secteurs sont influencés par la digitalisation. Comment voyez-vous le secteur évoluer dans les années à venir ?

Le big data, le machine learning et l’internet des objets (IoT) contribueront nécessairement à la création de smart grids de chaleur, mais l’optimisation opérationnelle n’est qu’un aspect du problème.

L’analyse prédictive de données contribuera à créer une segmentation intelligente des consommateurs. Cette technologie sera utile pour déterminer quels clients devraient recevoir quels services, mais aussi pour créer des programmes d’engagement et de récompense auprès des consommateurs finaux.

Cela permettra aux entreprises du secteur de s’accorder plus finement aux besoins des consommateurs et des utilisateurs finaux.

Cependant, les services publics vont sûrement se retrouver en concurrence avec de grandes entreprises de technologie qui sont déjà bien positionnées pour fournir des services d’engagement consommateur.

Il faut donc qu’ils soient proactifs dans ce secteur. Nous espérons qu’ils puissent apprendre en travaillant avec des PME dans le secteur des cleantechs, comme PassivSystems.

La France a fait du chauffage urbain un pilier de la transition énergétique : quel rôle l’expérience britannique peut-elle jouer dans le développement de l’industrie en France ?

Même si la part de marché du chauffage urbain est moins importante en France que dans les pays nordiques, l’industrie française a atteint un niveau certain de maturité et d’expertise. Cela amène les opérateurs à s’intéresser de plus en plus à l’utilisateur final, au delà de la boucle primaire de la sous-station.

Au Royaume-Uni, les nouveaux développements résidentiels sont tous conçus avec des unités intérieures individuelles dans chaque logement, en partie pour des raisons culturelles.

L’expérience britannique peut donc fournir un savoir-faire utile en termes d’individualisation de la consommation, mais aussi pour l’analyse prédictive des données.

Comment voyez-vous le marché français depuis l’étranger ?

Le marché a l’air très dynamique, et nous avons vraiment envie d’y travailler de plus en plus.

La France a une façon très systématique de développer le chauffage urbain, notamment avec le triumvirat Dalkia, Engie et Véolia.

Mais même au-delà de ces 3 acteurs majeurs, l’industrie paraît très bien organisée. L’AMORCE est un think tank très actif, et l’Ademe offre un support politique et financier extraordinaire.

J’ai justement été impressionné, pendant les DHC Days, de voir les initiatives du Fonds Chaleur en termes de R&D sur les smart grids.

J’ai le sentiment qu’il y a là une terre fertile pour l’expérimentation au travers de projets pilotes sur les technologies 4GDH (4th Generation District Heating).

Pour ce qui est du digital, la France est aussi un leader dans l’internet des objets. PassivSystems utilise par exemple la technologie du français SigFox dans ses solutions de compteur de chaleur intelligent.

Dernière question : vous avez choisi cette année d’être sponsor des DHC Days. Est-ce votre unique façon de vous adresser à la communauté ?

Tout d’abord, il faut dire que les DHC Days ont été une franche réussite.

Pour répondre à votre question, nous sommes aussi présents sur d’autres événements, comme l’EuroHeat and Power Congress ou la conférence 4GDH de l’université d’Aalborg au Danemark.

Pour ce qui est du Royaume-Uni, nous avons nos propres associations, comme l’ADE (Association for District Energy) ou l’UKDEA (UK District Energy Association).

Nous sommes aussi engagés dans le projet Celsius, un projet européen de démonstration technologique. C’est une excellente plateforme de partage et d’échange pour les villes européennes. J’encourage d’ailleurs vos lecteurs à s’inscrire à leurs wébinaires, vous allez apprendre beaucoup de choses.

Enfin, nous essayons toujours d’aligner nos objectifs de R&D avec des objectifs sociaux. Par exemple, nous avons participé à des projets de recherche en collaboration avec des collectivités locales sur le sujet de la précarité énergétique dans les logements sociaux.

Merci beaucoup à Romain et à PassivSystems pour nous avoir accordé cette interview. Pour ne rien manquer des prochaines interviews, n’oubliez pas de vous abonner à notre newsletter.

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