Rentabilité des Réseaux de Chaleur

L’innovation comme moyen pour améliorer la rentabilité des réseaux de chaleur suédois.

Par Hakan KNUTSSON

En Suède comme ailleurs, le secteur de l’énergie est exposé à des changements spectaculaires, ce qui pose la question de la rentabilité des réseaux de chaleur, et de l’innovation comme moyen d’atteindre cet objectif. Pour mettre les choses en perspective, 60% de tous les bâtiments en Suède sont chauffés par chauffage urbain, ce qui en fait le plus grand marché d’Europe. Une caractéristique du marché suédois est que bon nombre des exploitants de réseaux de chauffage et de refroidissement urbains (DHC) y sont également producteurs d’électricité. Les prix de l’énergie électrique atteignent aujourd’hui des planchers record. Les entreprises exploitant des réseaux de chaleur, quoique stables, présentent ces derniers temps des tendances négatives alarmantes. Les revenus, et par voie de conséquence les bénéfices, s’érodent lentement. Il est difficile dans ces conditions pour les opérateurs de DHC de maintenir une part de marché élevée de 60%, en particulier lorsqu’ils sont en concurrence avec le développement des pompes à chaleur qui est fortement favorisés par les prix très bas de l’énergie électrique. On constate ainsi que le chauffage par pompes à chaleur a augmenté en Suède au cours des 20 dernières années.

Comment une industrie comme celle des réseaux de chaleur, conservatrice de la nature, peut gérer les tendances négatives du marché? Les entreprises du DHC en Suède possèdent le plus souvent leur propre réseau de distribution, dans certains cas même, les sous-stations clients et dans la plupart des cas, les usines de production d’énergie. La plupart de ces sociétés sont détenues par les municipalités. Cependant, il y a aussi des propriétaires privés, des coopératives et même des fonds de pensions australiens … . Deux des plus grandes sociétés sont détenues par des utilities allemandes et finlandaises.

Toutes ces entreprises, indépendamment du statut de leur actionnaire, ont un problème à maintenir la rentabilité et à financer leur développement et leurs investissements. Un critère financier utile pour surveiller les tendances de la rentabilité est le retour sur capital ou ROCE (Return On Capital Employed). Le ROCE se définit comme le bénéfice avant intérêts et impôts (EBIT) / capitaux employés. Les entreprises du DHC qui sont les plus progressistes ont compris qu’elles doivent changer et s’améliorer afin de maintenir un ROCE élevé.

Les exploitants de ces réseaux de chaleur mettent en place des programmes d’amélioration qui impliquent de nouveaux modèles d’affaires qui tiennent compte des objectifs suivants:

  1. Augmenter les sources de revenus des réseaux de chaleur – développer de nouveaux produits et trouver de nouveaux clients,
  2. Réduire les coûts d’exploitations des réseaux de chaleur,
  3. Pratiquer le Smart Asset Management, c’est-à-dire utiliser intelligemment les actifs des réseaux de chaleur.

Les nouveaux modèles d’affaires développés en Suède sont basés sur l’innovation et le développement technique plutôt que sur l’ingénierie financière. L’innovation devient ainsi le moyen privilégié pour améliorer la rentabilité des réseaux de chaleur suédois.

Exemples:

Augmenter les sources de revenus des réseaux de chaleur.

L’objectif premier des exploitants de réseaux de chaleur et de froid en Suède, est d’être plus axé sur les clients et de les fidéliser.

L’idéal est d’avoir la pleine utilisation de tous ses actifs – ce qui qui signifie pouvoir assurer des ventes constantes toute l’année, ce qui est difficile dans le secteur de la fourniture de chauffage, saisonnier par essence. Les hauts et les bas dans l’approvisionnement en énergie pourraient-ils être lissés sur l’année? Gérer des pointes signifie généralement des coûts marginaux de production plus élevés et les creux impliquent l’absence de ventes. Une première étape consiste à introduire une tarification liée à la demande (Demand Based Pricing) – un kWh thermique a une valeur plus importante lors d’une froide journée d’hiver plutôt qu’une chaude journée d’été.

La seconde étape est de développer les ventes de chaleur au cours de la saison estivale. Beaucoup d’industries pourraient convertir leur consommation de gaz naturel ou de GPL en chauffage urbain. Dans certains cas, la société de réseaux de chaleur doit ajouter l’alimentation en vapeur à leur gamme de service.

Une troisième piste est la coopération avec les fabricants de produits électroménagers. En Suède, les fabricants de produits blancs ont développé des produits tels que lave-linge et lave-vaisselle qui sont connectés à l’eau chaude du chauffage urbain au lieu d’utiliser de l’électricité pour chauffer l’eau.

Enfin, l’utilisation des techniques tels que l’absorption qui utilisent la chaleur pour refroidir connait un renouveau. Ces nouvelles technologies permettent l’installation de machines de refroidissement dans les bâtiments qui en ont besoin. Ce qui élimine les besoins en investissements coûteux de réseaux de froid et de mieux utiliser les réseaux de chaleur.

Réduire les coûts d’exploitation des réseaux de chaleur.

La Suède a progressivement éliminé les combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) dans le secteur du chauffage. Les biocarburants sont cependant des combustibles onéreux. Le premier choix est de récupérer et de réutiliser la chaleur résiduelle provenant des industries et des entrepôts frigorifiques. Certaines entreprises suédoises de réseaux de chaleur offrent 100% de leur chaleur à partir des surplus de chaleur industrielle. Les déchets sont également une source importante : en Suède, 97% sont réutilisés. La cogénération à partir de déchets est bien développée dans tout le pays et dans les dernières années, l’importation de déchets étrangers a augmenté. Cette importation est rentable, car les réseaux de chaleur se font payer pour ce carburant.

Une nouvelle solution innovante mise-en-place est le « Power-to-Heat ». Le réseau de chauffage urbain sert à absorber l’énergie éolienne excédentaire. Les jours venteux, le prix de l’énergie électrique peut être négatif en raison de la surproduction et les solutions de « Power-to-Heat » offrent la possibilité de stocker cette énergie créée.

La mise en place de réduction de coûts d’exploitation dans un contexte d’utilisation de plusieurs combustibles, nécessite d’utiliser des logiciels d’optimisation afin de choisir toujours le meilleur mix de production.

Pratiquer le Smart Asset Management – utiliser intelligemment les actifs des réseaux de chaleur.

La plupart des réseaux de chaleur en Suède sont âgés de 30-50 ans. Ils approchent leur « fin de vie ». Les solutions innovantes pour prolonger cette fin de vie sont donc d’un grand intérêt économique. Il faut cependant trouver un compromis entre le prolongement de la durée de vie du réseau et un risque plus élevé d’échecs et de fuites. Des programmes de maintenance prédictive peuvent gérer ce risque et réduire les coûts. De nouveaux outils de surveillance en ligne de tuyaux sont développés afin d’identifier et de localiser la corrosion des points faibles. Cela permet que seules de faibles longueurs de tuyaux seront remplacées. Une autre alternative est le regarnissage des conduites. Ce nouveau type de gestion d’actifs est facilité par une segmentation intelligente du réseau.

Du point de vue de la gestion d’actifs, l’utilisation constante et élevée du réseau de chaleur est préférable. Dans ce contexte, l’utilisation des Smart Technologies peut réduire le besoin de réservoirs de production et des accumulateurs de pointe. De plus, les bâtiments et le réseau de chaleur lui-même peuvent être utilisés comme stockage thermique.

Comme l’illustre ces exemples, c’est la mise en place d’une politique volontariste d’innovation qui est devenu le moyen d’améliorer la rentabilité des réseaux de chaleur suédois. C’est cette même politique qui permet aux entreprises suédoise du secteur d’envisager avec confiance leur développement à l’international.


hakan_knutssonHakan Knutsson est president du conseil d’administration de l’association suédoise des réseaux de chaleur (SweHeat and Cooling). Il possède 25 ans d’expérience de management dans l’industrie de l’énergie et est l’un des fondateurs d’Indepro, une société de conseils spécialisée dans la création de valeur et l’amélioration opérationnelle des sociétés productrices d’énergie.