Michel Cairey-Remonnay : “Un réseau de chaleur, ce n’est pas qu’un réseau de chaleur”

Michel Cairey-Remonnay : “Un réseau de chaleur, ce n’est pas qu’un réseau de chaleur”

Michel Cairey-Remonnay est le coordinateur national du Fonds chaleur à l’ADEME. Il nous dresse ici le bilan des premières années de ce système d’aide qui a créé un réel moteur de développement pour le chauffage urbain et les énergies renouvelables. Il en explique également les perspectives, rappelant que le réseau de chaleur est porteur d’une véritable dynamique économique et sociale.

Qu’est-ce que le Fonds chaleur, et quelle est votre mission au sein de l’ADEME ?

Le Fonds chaleur est une émanation du grenelle de l’environnement en tant que système d’aide spécifique pour la chaleur renouvelable. Comparé aux aides qui ont été consenties sur l’électricité renouvelable à partir de tarifs d’achat garantis, le Fonds chaleur, lui, est une aide à l’investissement en vue de la réalisation de production de chaleur renouvelable et de l’installation de réseaux de chaleur. Il a été créé en 2009 et j’en assure depuis la coordination nationale. Cela consiste à veiller à sa bonne marche, à le moduler et à l’améliorer en fonction des retours d’expérience. Il m’incombe aussi d’en dresser le bilan pour l’ADEME et pour les ministères concernés, qui ont eux-mêmes un reporting à adresser à la Commission européenne dans le cadre du « paquet énergie climat 2020 » (la France doit atteindre 23 % d’EnR).

Justement, quel bilan faites-vous de ces premières années ?

Nous avons atteint nos objectifs. Avec un budget légèrement inférieur à ce qui avait été prévu au départ (soit 1 milliard d’euros pour les trois premières années révisé à 1,2 milliard sur les cinq premières années), qui a généré plus de 3,5 milliards d’euros d’investissement, nous avons atteint en 2012 le niveau de production de chaleur renouvelable qui nous était assigné. Désormais, nous avons un nouvel objectif pour 2020, beaucoup plus élevé, puisqu’il nous faudra doubler nos efforts et atteindre une production de 600 000 tep/an contre 300 000 jusqu’ici.

Peut-on dire que le Fonds chaleur a contribué en grande partie au développement des réseaux de chaleur ?

Oui, c’est on ne peut plus clair. Dans les vingt années qui ont précédé 2009, il ne s’est quasiment rien passé dans ce secteur, si ce n’est quelques réseaux installés sur des usines d’incinération et quelques chaufferies à bois. On installait à l’époque quelques centaines de mètres de réseaux par an ; aujourd’hui nous en sommes à quelques centaines de kilomètres ! En 2012, le Fonds chaleur a financé près de 400 km de réseaux et 1 300 km sur la période 2009-2013.

Il est aussi le facteur déterminant pour assurer la compétitivité des réseaux de chaleur ?

Bien sûr, c’est le but du Fonds chaleur. Pas uniquement pour les réseaux mais aussi pour les unités de production qui leur sont liées. Si on veut rendre un réseau compétitif, la chaleur livrée aux usagers doit être moins chère que celle issue des énergies fossiles concurrentes. L’aide de l’ADEME intervient pour que cette équation fonctionne.

En matière de dépenses publiques, quelles sont les vertus du Fonds chaleur ?

En juillet 2013, la Cour des Comptes a remis un rapport comparant l’ensemble des aides publiques sur les énergies renouvelables, qu’il s’agisse du crédit d’impôt, des tarifs d’achat garantis, des certificats d’économies d’énergie ou du Fonds chaleur. La conclusion est claire : le Fonds chaleur est l’un des systèmes les plus efficients. En effet, pour chaque euro que dépense l’État, il est le système qui produit le plus d’énergies renouvelables.

À quoi est due cette efficience ?

Elle est liée à l’approche économique que l’on a des projets. La synergie provoquée par un réseau de chaleur permet une forte densité thermique, autrement dit on a beaucoup plus d’usagers sur un parcours relativement restreint. Par conséquent, l’efficacité énergétique est meilleure. Cela entraîne de fait une efficacité économique par mutualisation des coûts.

Quelles évolutions peut-on attendre sur le fléchage de ce Fonds ?

La loi sur la transition énergétique lui offre une sorte de second souffle puisque la ministre a annoncé un doublement du Fonds sur les trois prochaines années. Mais il est évident qu’il ne restera pas tel qu’il est. Nous avons acquis de l’expérience et détecté de nouveaux gisements. Dès 2015, nous allons l’élargir à la récupération de chaleur à partir de certains process industriels afin de la réinjecter dans les réseaux urbains. Nous allons aussi le mobiliser sur la filière biomasse qui est encore très majoritaire dans le mix des énergies renouvelables mais qui souffre d’un manque d’organisation.

Selon vous, que doit-on prioriser pour développer les réseaux de chaleur ?

Le point majeur, c’est la sensibilisation et l’animation auprès des collectivités locales. Nous ne ferons rien sans elles. Le Fonds chaleur a eu aussi cette vertu de rappeler aux élus locaux qu’ils ont la compétence en matière de chauffage urbain. Même si les collectivités possédaient un réseau de chaleur, elles pouvaient l’avoir oublié en en confiant la gestion à une compagnie. Or, le développement des réseaux de chaleur, c’est de la politique, au sens littéral du terme, car cela a de multiples impacts : impact énergétique d’abord, puisque la collectivité pourra décider de privilégier des énergies locales ; impact économique ensuite, en développant des filières et de l’emploi local ; impact social enfin, puisque la collectivité peut ainsi maîtriser le coût de la chaleur vendue à l’usager, et donner ainsi une réponse à la précarité énergétique. Un réseau de chaleur, c’est fédérateur. Au fond, ce n’est pas qu’un réseau de chaleur.

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